Vin du Lavaux, cet or suisse
La dégustation de vin n’est pas une discipline officielle des Jeux olympiques. Il existe pourtant un lien fort entre les deux : Lausanne. Plus précisément, Lausanne capitale. Capitale olympique, car c’est là que Pierre de Coubertin a donné naissance aux Jeux modernes et que siège le Comité international olympique. Capitale aussi à un tout autre titre, puisque, en mars 2018, Lausanne est devenue le dixième membre du réseau Great Wine Capitals. Aux côtés de Bordeaux et Porto.
Inscrit au Patrimoine de l’Unesco
Pourtant qui sait, en France, qu’on produit du vin à la lisière de la frontière suisse, que la ville elle-même possède cinq domaines viticoles ? Presque personne, et c’est bien normal. La production est presque entièrement bue à l’intérieur de la confédération, les exportations n’atteignent pas 1 %. En plus, les vins sont chers, rarement en dessous de 12 francs suisses (environ 10 euros). Les pentes raides et les terrasses qui structurent le vignoble rendent toute mécanisation ardue, voire impossible. Les coûts de productions s’en ressentent. Les vignes sont à quinze minutes en train du centre-ville et, en une demi-journée, on peut y aller pour acheter du vin et rentrer à l’hôtel. Enfin, le chasselas, raisin phare du vignoble du Lavaux, autour de Lausanne (70 % de l’encépagement), n’a pas une réputation formidable. Il est souvent confondu avec le chasselas de nos étals du marché. Pour marquer ses légères différences, on complète son nom: chasselas fendant roux, car ses baies se fendent à la pression et s’ornent de taches de rousseur à la vendange.
Parole de connaisseuse, j’ai bu d’excellents vins helvètes. Pour les faire découvrir, Lausanne se démène et met en place depuis quatre ans une petite cellule pour la promotion de l’œnotourisme. Elle dispose pour cela de deux atouts maîtres, avant même la qualité des vins. En 2007, l’Unesco a inscrit le Lavaux, « vignoble en terrasses face au lac et aux Alpes », au Patrimoine mondial. Et c’est presque trop facile de s’y rendre : les vignes sont à quinze minutes en train du centre-ville et, en une demi-journée, on peut y aller pour acheter du vin et rentrer à l’hôtel. Après avoir, pourquoi pas, visité le Musée olympique. Descendons, par exemple, du petit train de banlieue à Grandvaux, en pleine appellation villette, l’une des huit qui constituent le lavaux. La sortie de la gare vous accueille d’une treille de vigne, dont quelques feuilles effleurent le quai.
Le chasselas, l’éponge à terroirs
De là, on surplombe le vignoble, qui plonge à pic dans le lac Léman, en dévisageant Evian. C’est magnifique, l’Unesco a bon goût. Les vendanges n’ayant pas encore commencé au moment où paraît cette chronique, on peut suivre les petits chemins qui descendent en croquant le raisin qui dépasse (gare à ne pas glisser) et découvrir que le Lavaux est très semblable à la Bourgogne : beaucoup de petits domaines (7 hectares en moyenne), de petites parcelles, de petites appellations.
Calamin, l’une des deux appellations grand cru de lavaux, avec Dézaley, ne mesure que 16 hectares. Comme en Bourgogne, ces parcelles jouent énormément sur le caractère du raisin. Le chasselas a des notes aromatiques plutôt épurées, de jardin mouillé, de cailloux concassés, d’agrumes ; il peut, sur le territoire d’Epesses, se gorger de notes de mirabelle et d’abricot frais. Sur Saint-Saphorin, il s’épure et évoque le silex frappé. Sur Calamin, il prendra de la puissance, une épaisseur insoupçonnée, de l’allonge. Ou même une pointe de miel sur une cuvée de Dézaley.
Voilà pourquoi le chasselas a un surnom connu de tous les vignerons : l’éponge à terroirs. Il change de visage, passant du plus pur caillou lavé à la charpente solide et structurée d’un chalet de montagne.
Il ne reste plus qu’à descendre jusqu’au lac, une petite heure de marche en tout. De là, quoi de mieux que de reprendre le bateau jusqu’à Lausanne, et saluer le vignoble dans le reflet de l’eau. Même sans boire de vin, la promenade est des plus enivrantes.
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