Chateau d’Aigle, Switzerland
Autrefois décrié, le chasselas reste le vin fétiche du vignoble suisse. Même s’il a dû, au fil des ans, céder un peu de place à d’autres cépages. Quelques chiffres suffisent à illustrer cette évolution. Ainsi, en 2000, on recensait en Suisse 5295 ha de chasselas, dont 2652 ha dans le canton de Vaud, 1652 ha en Valais et 483 ha dans le canton de Genève. Quinze ans plus tard, ces chiffres sont de 3885 ha pour la Suisse et de respectivement 2304, 966 et 306 pour les cantons de Vaud, du Valais et de Genève. À quoi s’ajoutent les changements intervenus dans les habitudes de consommation. Les nouveaux modes de vie, qui font une part moins belle à l’apéritif, n’ont pas été sans incidences sur l’évolution du vin en général, et du chasselas en particulier.
Question de goût
Impossible cependant d’évoquer le chasselas sans mentionner la fermentation malolactique qui ne fait pas l’unanimité. Que ce soit dans le public ou parmi les professionnels. Daniel Dufaux, œnologue de Badoux Vins à Aigle (VD) et président de l’Union suisse des œnologues, est un partisan de la méthode: «Il faut savoir que la fermentation malolactique fait partie de la vinification. Le processus naturel, c’est du raisin, c’est ensuite une fermentation qui transforme le sucre en vin, puis une fermentation malolactique naturelle qui transforme certains aspects plutôt gustatifs du vin. Et quand on laisse aller plus loin, c’est la transformation en vinaigre. On est alors là au bout du stade avec un produit qui ne bouge plus…» Certains reprochent à la fermentation malolactique de générer des odeurs lactées pouvant aller du yogourt à la crème caramel. «Chez les œnologues, chacun a son avis. Celui qui veut garder la fraîcheur et l’acidité du vin y renonce to-talement ou partiellement. Chez Badoux, on la fait presque tout le temps pour nos chasselas classiques du Chablais. Elle apporte de la rondeur et se marie bien avec le terroir. Elle correspond à nos vins. La fermentation malolactique permet à l’œnologue de créer quelque chose sans perturber l’équilibre du vin.»
Sujet plus d’actualité
Pour Gilles Besse, œnologue chez Jean-René Germanier à Vétroz (VS) et président de Swiss Wine Promotion, la fermentation malolactique était un sujet de discussion il y a vingt ans: «À l’époque, quand les rendements étaient nettement plus élevés, elle était quasi systématique. Si on ne la pratiquait pas, on avait des chasselas très acides qui ne correspondaient pas aux goûts des gens. Aujourd’hui, avec des rendements beaucoup plus bas et des températures plus chaudes, on a moins d’acidité. Et faire la fermentation malolactique ou pas entraîne beaucoup moins de différences. L’œnologue décide en fonction du millésime et des conditions.»
Tous deux s’accordent cependant pour dire que le chasselas est unique. Ainsi, Daniel Dufaux dit vibrer pour ce cépage: «Le chasselas se plaît tellement chez nous qu’on ne le trouve pratiquement pas ailleurs. C’est quelque chose que l’on ne pourra jamais nous prendre car on ne fera jamais en Australie ou ailleurs un chasselas comme on le fait chez nous.»
Cet article d’Anne-Marie Cuttat est paru dans le magazine Coopération (N° 5/2016)
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Category: Le Chasselas aujourd'hui