À la (re)découverte du chasselas
Si l’on vous dit «chasselas», il est fort à parier que la première chose qui vous vienne en tête soit ces petits grains dorés et sucrés qui font le bonheur des gourmands l’automne venu, notamment lorsqu’il vient de Moissac dans le sud-ouest. Ce serait d’ailleurs tout à fait normal car la production de vins à base de chasselas en France s’est réduite comme une peau de chagrin. Selon Pierre Galet, seuls 795 hectares sont aujourd’hui plantés de chasselas pour la production vinicole, principalement en Alsace (119 hectares) où il se nomme «Gutedel» comme en Allemagne et rentre généralement dans la production de l’Edelzwicker, en Haute-Savoie (144 hectares) sur les bords du lac Léman ainsi qu’en Loire (30 hectares). Les vins produits avec du chasselas sur la célèbre commune de Pouilly-sur-Loire (territoire du Pouilly-fumé à base de sauvignon blanc) le sont sous l’appellation Pouilly-sur-Loire. Parfois dénigré pour son manque d’expressivité et de vivacité, le chasselas n’en est pas moins un « capteur de terroir » pour le dégustateur Jacques Viret, donnant des vins d’une très grande diversité en fonction de ses lieux de plantation. Et ses terres d’élection se trouvent, à n’en pas douter, de l’autre côté des frontières suisse et allemande. Avec plus de 4000 hectares plantés, c’est le cépage majoritaire du vignoble suisse, représentant près de 30% des surfaces plantées, principalement dans le canton de Vaud (2350 hectares) et dans celui du Valais (1050 hectares) où ii=l permet de produire le fendant. En Allemagne, le « gutedel » couvre pour sa part 1150 hectares environ. Un cépage qui mérite donc une certaine attention tant il peut donner des vins intéressants et originaux.
Complexité et équilibre
En France, le choix de vins à base uniquement de chasselas est assez limité mais l’expérience peut s’avérer intéressante. Prenez par exemple la cuvée La Centenaire 2015, un Pouilly-sur-Loire produit par le domaine Serge Dagueneau et filles. Outre ses arômes mêlant tilleul et miel, on est marqué par son acidité vive qui rappelle ses origines ligériennes. Sa densité de matière associée à de fins amers en font un vin à la personnalité affirmée. Pour une découverte plus en avant du chasselas, impossible toutefois de ne pas essayer des vins suisses au caractère bien différent. Très célèbre chez nos voisins, le fendant peut révéler le chasselas avec des notes d’agrumes, de fleurs. C’est le cas sur le fendant 2015 du domaine des Muses, élu meilleur chasselas de Suisse en 2016. Un vin ample qui emporte par son fruité généreux mais dont le léger perlant maintient une belle fraîcheur en bouche. Mais le chasselas n’est pas seulement un vin à boire sur la jeunesse. Bien élevé, il gagne à être gardé quelques années et s’affirme alors comme un très bon vin de gastronomie, même si les valaisans estiment que «manger avec du vin, c’est tricher» ! Le Trechene 2009 du domaine de la commune d’Yvorne, dans le canton de Vaud, évoque à la fois la pierre à fusil et un fruité mûr permis par le foehn, ce vent chaud et sec qui souffle sur le secteur et permet d’accompagner la maturité des raisins. Un vin parfait pour accompagner du crabe ou un filet de féra du lac Léman.
Et pour vivre une expérience de dégustation mémorable, les vins de la région du Lavaux sur le bord du Léman, issus d’un vignoble aux pentes abruptes, sont incontournables. S’il ne fallait garder qu’une bouteille, ce serait le Dézaley-Marsens Grand Cru De la tour 2009 des frères Dubois. Son intensité aromatique sur les fruits jaunes, la noisette n’a d’égal que son équilibre en bouche qui s’étire en longueur pour en jamais finir. Un modèle de vin de chasselas proposé à environ 25€. Un prix relativement élevé, les autres vins présentés s’affichant plutôt dans une fourchette allant de 10€ à 18€.
Article de Jean-Michel Brouard sur la redécouverte du chasselas, paru e 30 avril 2017 sur le site de Terre de Vins.
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