Le Chasselas… et moi
Article d’Hervé Lalau paru le 19 octobre sur le blog Les 5 du Vin
Clôturons cette semaine où il a été beaucoup question de chasselas, forcément, puisque comme vous le savez, Marc et moi avons co-organisé un déjeuner-dégustation autour de ce cépage, ce lundi.
Cette fois, j’ai envie de prendre un angle un peu plus personnel.
Je le confesse, j’ai médit naguère du chasselas. Du chasselas suisse, en particulier. Car c’est là son grand fief, si l’on excepte quelques vignobles en pays de Bade, en Hongrie, en Alsace (où il est rarement vinifié seul), sur la rive savoyarde du Léman (Crépy, Ripaille…) et un peu à Pouilly, où il n’est guère de taille à lutter avec le très international (et très aromatique) sauvignon.
Si j’ai médit de lui, c’est justement parce que je lui reprochais son manque d’expression. Sa neutralité si suisse. J’ai toujours en mémoire une verticale d’anthologie, de 20 ans d’un Premier Grand Cru de chasselas vaudois, où mes pauvres papilles étaient restées en berne (capitale fédérale). J’ai même ironisé en cette occasion sur les aptitudes innées de mes voisins de table – Vaudois, pour la plupart – qui parvenaient à trouver dans les mêmes vins que moi des arômes invraisemblables.
Dieu que je me repends!
D’abord, parce que quelques années plus tard, j’ai rencontré à Lavaux des chasselas tout à fait édifiants. Purs, ciselés, tranchants comme la grande lame d’un couteau suisse. Sans oublier leurs voisins valaisans, les fendants, dont les meilleurs tirent de leur terroir et de leur soleil une profondeur insoupçonné. Notez qu’ils sont aussi différents que peut l’être un Chablis d’un Mâcon. Le cépage n’étant qu’un des nombreux paramètres de l’équation du vin.
Et puis, parce je suis sans cesse harcelé par des ambassadeurs quasi-officiels de la Chasselasie, comme mon ami Yves Paquier. Je le croise à Québec, il me parle de chasselas. Il me raille, il me tarabuste. Je le rencontre à Montpellier, il me donne une bouteille. Et je ne vous parle pas de mes passages en Suisse, où la beauté naturelle des sites de chasselas vient renforcer son discours. D’autant que là, se joignent à Yves Alexandre Truffer (devenu récemment président de l’Association pour la Promotion du Chasselas) et Claude-Alain Mayor (secrétaire général de la dite association).
Quand chasselas rime avec Canossa
Alors, je finis par craquer. Je viens à Canossa, ou plutôt, à Aigle. Je m’inscris au Mondial du Chasselas, le concours annuel organisé en Suisse autour de ce cépage si lémanique.
Et vous savez quoi? Je change d’avis, du tout au tout. Je découvre la subtilité dont l’ami Marc vous a parlé hier, et qu’il a si joliment illustré avec ses accords de lundi.
J’en suis maintenant à ma cinquième participation au concours, je crois – ce qui devrait me donner droit à une médaille en chocolat (suisse, bien sûr). Marc doit en être à une ou deux de plus.
Ces participations nous donnent la chance de rester en contact avec les vignerons et leurs vins, et inévitablement, l’idée a jailli dans nos esprits adéquatement imprégnés de chasselas de faire venir ces vins à Bruxelles; comme cela s’était déjà fait à Paris, mais avec un modèle adapté à la gourmande Belgique. Ceci, pour vous expliquer la genèse du déjeuner de lundi dernier, dont Marc et moi vous avons déjà abondamment parlé.
J’ai pensé que l’histoire de ma « conversion » pouvait utilement compléter le tableau. Car au delà du chasselas, plus globalement, je pense qu’il faut toujours se remettre en cause – le vin bouge, les millésimes ne se ressemblent pas, les styles évoluent, nous évoluons aussi; il faut pouvoir suivre, nos reportages ne sont que des instantanés d’un paysage mouvant. Il faut goûter, regoûter, regoûter encore, sans jamais se braquer. Cela ne veut pas dire qu’on doit tout aimer. Mais on doit toujours essayer d’aller plus loin, au-delà des évidences, des premières impressions.
Il y a des métiers plus ingrats. Il y a de bons moments (ce qui n’est pas encore taxé); et en plus, c’est formateur, dans plein de domaines.
Category: Chasselas on tour