Une étonnante collection de Chasselas
Les variétés de chasselas qui sont plantées pour obtenir notre chasselas doré de Moissac sont, pour l’essentiel, au nombre de deux: le chasselas précoce bois rouge, qui arrive à maturité vers la fin du mois d’août, et le chasselas clone bois vert qui est plus tardif. Ce que l’on sait moins, c’est que la famille «chasselas» est dotée d’un polymorphisme extravagant et qu’on connaît plus de 1 400 (!) biotypes originaux dont la plupart n’existent plus que dans des conservatoires. Pour Jean-Emmanuel Rigal, chasselatier à Saint-Paul d’Espis et créateur de son propre conservatoire: «la sauvegarde des espèces anciennes, comme cela se fait à Bordeaux, au LEPA de Moissac et chez moi, est nécessaire pour conserver la biodiversité de ce végétal». Commencée il y a une douzaine d’années, la collection de Jean-Emmanuel rassemble, pour le moment, 28 souches parmi lesquelles on compte des chasselas roses, violets, ou dont le feuillage est dentelé comme des feuilles de persil, ce qui lui donne son nom, le chasselas persil : «la dentelure de ces feuilles, explique notre producteur, laisse les grains bien davantage exposés au soleil que sur les autres souches. Cette caractéristique donne aux grains une belle couleur dorée». La curiosité aussi a guidé notre passionné sur le chemin de la collection: «je voulais voir, dit-il, ce que donnaient d’autres variétés sur nos coteaux. Et j’ai eu des surprises. Même s’il n’est pas adapté comme raisin de table, le chasselas suisse, dont on fait du vin dans le canton du Valais (le Fendant), donne de grosses grappes de grains serrés (on dit «boudinées»). Dans notre terroir, il a augmenté ces qualités». Et chacun de ces cépages produit des raisins qui se distinguent les uns des autres par leur couleur, leur saveur, leur acidité, leur teneur en sucre et en jus, la limpidité de ce jus, l’épaisseur de sa peau, ses parfums, bref une infinité de nuances gustatives. Préservation qui permettra également de varier l’offre sur les marchés le cas échéant: «les goûts des consommateurs sont en perpétuelle évolution et nous devons nous tenir prêts à diversifier nos productions dans un délai raisonnable». Autrement dit, avoir plusieurs cordes à son arc.
Article de Jean-Emmanuel Rigal paru dans La Dépêche du Midi du 12 septembre 2016
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